Sans titre (2016) is pleased to present
« Dizionario delle forme »
Ezio Gribaudo‘s first solo exhibition with the gallery
with a text by Lilou Vidal

Opening on June 9, 6 – 9pm
June 9 – July 23, 2022

Kaleidoscopically
by Lilou Vidal

Let’s begin with a detour by via Biamonti in Turin and stop for a few moments at the studio Ezio Gribaudo has occupied since the mid-1970s. The brutalist-style architectural structure (conceived with his architect friend Andrea Bruno) and the internal and external organization of the studio reveal the kaleidoscopic program of Ezio Gribaudo’s oeuvre. Styled as an observation post, the initially bunker-like aspect of the building presents opening axes on all sides, and outgrowths of shapes and reliefs. It is accessed through a garden guarded by a stone brontosaurus, and inhabited by hybrid creatures that seem facetiously attached to their cages, or by incongruous characters holding court freely on pedestals, like the iconic monster Godzilla.

A joyous organized disorder heralds the abundant universe unfolding in this exponential box that is the interior of the atelier. A sinusoidal staircase made from rounded carved wood cutouts that reveal elegant angles and wide steps that serve as a library invites us upstairs. Books and works from all periods cover the walls everywhere. No need to try to impose order; the intertwining and interpenetration of history, practices, images and forms – between “what has existed” and “what is becoming” – are all part of the essence of Gribaudo’s work method. The glass cupola placed above the workroom on the intermediate floor – which floods the works-in-progress with light, covering a printing press – seems to indicate that an exercise of observation of variability (both within and outside the studio) is taking place through the lens of a giant kaleidoscope.

Ezio Gribaudo (b. Turin, 1929) began a career as an artist while simultaneously pursuing activities dedicated to typography, printing, and publishing. From the age of twenty-six in 1955, he worked as a draftsman in the famed Nebiolo foundry and developed his taste for typefaces and printing machines. He learned to process characters on a page and took an interest in new industrial printing technologies. Four years later, in 1959, he was invited to run the Turin-Fratelli Pozzo Moncalieri company (initially specialized in the printing of railway timetables), which he soon transformed into a publishing house dedicated to art, the Edizione d’Arte Fratelli Pozzo. There he would produce major publications including Lucio Fontana’s Devenir (1961). The relationship to the image and the printed text physically insinuates itself in the substance of Gribaudo’s work. Besides the kinship here with the absence of color characteristic of Piero Manzoni’s Achromes painting-sculptures, the first Flani and Logogrifi of Ezio Gribaudoreflect above all his activity as a publisher, and his fascination with new industrial printing processes (monotype and linotype), typefaces, and relief matrices.

For Gribaudo, art is above all a vital and combinatorial process exploring the diversity of the sources of the grand image-maker of the world. At the age of ninety-three, the artist pursues his experiments in transforming the operating forces of the image with the same wonder as ever, as evidenced by one of his latest series of collages mounted on canvas. A joker card triumphs over the porosity of the paper, cheerfully reminding us the game is not yet over.
Gribaudo’s creative and uninhibited freedom and his spirit of independence are the fruits of a dense, itinerant, multifarious life, whose devotion to the book profession and to collaboration was able to safeguard his work’s ingenuity from certain pitfalls and compromises, as his friend Jean Dubuffet remarked back in 1976:

« I am astonished, given the ethos of the era, that you should have devoted so much of your time to your duties as a publisher, all while pursuing the development of this fascinating body of work that could very well resonate loudly with the public. (…) But I find as well that you are right to do it, since in this way you keep yourself from becoming a tributary of the vicissitudes and compromises that all too often beset the very equivocal position of the professional artist. Here too I understand you and I approve of you fully. » [1]

[1] Excerpt from a letter from Jean Dubuffet to Ezio Gribaudo, Paris, June 5th, 1976

Sans titre (2016) a le plaisir de présenter
« Dizionario delle forme »
la première exposition personnelle d’Ezio Gribaudo
avec un texte de Lilou Vidal

Vernissage : 9 juin, 18:00 – 21:00
9 juin – 23 juillet, 2022

Kaléidoscopiquement
par Lilou Vidal

Commençons par un détour via Biamonti, et arrêtons-nous quelques instants au studio qu’Ezio Gribaudo occupe depuis le milieu des années 70, à Turin. La structure architecturale de style brutaliste pensée avec son ami architecte Andrea Bruno et l’organisation interne et externe du studio révèlent le programme kaléidoscopique de l’œuvre d’Ezio Gribaudo. Dressé comme un poste d’observation, l’aspect à priori bunker du bâtiment présente des axes d’ouvertures de tous les côtés et des excroissances de formes et de reliefs. On y accède par un jardin gardé par un brontosaure en pierre, habité de créatures hybrides semblant s’accommoder facétieusement de leur cage, ou de personnages hétéroclites trônant librement sur un piédestal, comme l’iconique monstre Godzilla.

Un joyeux désordre ordonnancé annonce l’univers pléthorique se déployant dans cette boite exponentielle qu’est l’intérieur de l’atelier. Un escalier sinusoïdal fait de découpes arrondies en bois sculpté révélant d’élégantes arrêtes et de larges marches servant de bibliothèque nous convie à l’étage. Des livres et des œuvres de toutes les périodes recouvrent les murs de toute part. Inutile de chercher à mettre de l’ordre, l’entremêlement et l’interpénétration de l’histoire, des pratiques, des images et des formes entre « ce qui a existé » et « ce qui devient » participent à l’essence et à la méthode du travail. La coupole en verre placée au-dessus de la salle de travail à l’étage intermédiaire – inondant de lumières les œuvres en cours de production, recouvrant une machine à presse – semble vouloir nous indiquer qu’un exercice d’observation de variabilité (dedans et hors de l’atelier) a lieu à travers la lunette d’un kaléidoscope géant.

Ezio Gribaudo (né à Turin en 1929) commence une carrière d’artiste tout en menant simultanément une activité dédiée à la typographie, à l’imprimerie et à l’édition. Dés ses 26 ans en 1955, il travaille en tant que dessinateur au sein de la célèbre manufacture de fonderie Nebioloet développe son goût pour les caractères typographiques et les machines d’impressions. Il apprend à traiter les caractères sur la page tout en s’intéressant aux nouvelles technologies industrielles d’impression. Quatre ans plus tard, en 1959, il est invité à diriger la maison turinoise Fratelli Pozzo Moncalieri (initialement spécialisée dans l’impression des horaires ferroviaires) qu’il ne tardera pas à transformer en maison d’édition dédiée à l’art et ainsi nommée Edizione d’Arte Fratelli Pozzo au sein de laquelle il réalisera des ouvrages majeurs dont celui de Fontana (Devenir, 1961). Le rapport à l’image et au texte imprimé s’immisce physiquement dans la substance de l’œuvre de l’artiste. Outre la familiarité avec l’absence de couleur des peintures-sculptures des Achromes de Piero Manzoni, les premiers Flani et Logogrifi d’Ezio Gribaudo sont le fruit de son activité d’éditeur, et de sa fascination pour les nouveaux processus industriels d’imprimerie (monotype et linotype), pour les caractères typographiques et les matrices en relief.

Pour Gribaudo, l’art est un avant tout un processus vital et combinatoire explorant la diversité des sources du grand imagier du monde. A 93 ans l’artiste poursuit ses expérimentations de transformation des forces opérantes de l’image avec le même émerveillement, comme l’attestent l’une de ses dernières séries de collages marouflés sur toiles. Une carte de joker triomphe de la porosité du papier, rappelant allègrement que les jeux ne sont pas encore faits.
La liberté créatrice et décomplexée et l’esprit d’indépendance de Gribaudo est le fruit d’une vie dense, itinérante, multiforme, dont la dévotion au métier du livre et la rencontre avec l’autre auront su préserver la force et l’ingénuité de son œuvre de certains écueils et compromis, comme le remarquait déjà son ami Jean Dubuffet en 1976 :

« Je trouve étonnant, vu les mœurs de l’époque, que vous consacrez une grande part de votre temps à vos besognes d’éditeurs de livres, cependant que vous poursuivez en même temps le développement de cette œuvre très passionnante et qui pourrait avoir un grand retentissement public (…) Mais aussi… je trouve que vous avez bien raison de le faire, et ainsi de ne pas être tributaire des vicissitudes et compromissions que comporte la position très équivoque d’artiste professionnel. Là aussi je vous comprends et je vous approuve pleinement. » [1]

[1] Extrait d’une lettre de Jean Dubuffet à Ezio Gribaudo, Paris, 5 Juin, 1976